Alors que dire de ce Festival de la Littérature et du Cinéma de la Femme, le FeLiCi Femme ? J’ai décidé de l’appeler « le FeLiCi Femme » car son titre est trop long et nôtre Festival a besoin d’un identifiant qui le distingue parmi la foule de festivals consacrés à la Femme de par le monde. Cet identifiant sera-t-il adopté par qui de droit ? Je l’espère car je ne demande aucun droit d’auteur juste une reconnaissance de paternité. Oui, c’est vrai que j’anticipe sur le passage à l’international mais, sans cela, nôtre festival est reconnu maintenant, je ne dirais pas à travers le monde, mais au moins dans la sphère méditerranéenne et moyen-orientale.
Avant toute chose, j’ai très envie de souligner l’évolution positive des choses ; Il est clair que les organisateurs ont bien évalué les éditions précédentes et ont tout fait pour ne pas rééditer les mêmes imperfections. Cela doit être souligné car d’une part, le public de Saïda est un public très exigeant et d’autre part, les médias « qui n’en ratent pas une » sont venus en force et comme ils sont toujours à l’affut du détail « qui tue », il valait mieux être préparé en conséquence. Bien évidemment, il y a toujours ce détail que personne n’avait prévu et qui surgit comme pour nous rappeler qu’on en fait jamais assez. Je n’en parlerai pas car nôtre Festival a été encore une fois à la hauteur de nos attentes.

D’abord, le choix des longs métrages a été judicieux et lorsque Belkacem Hadjadj annonce que son film sort en exclusivité mondiale à Saïda ce n’est pas peu de choses. Par ailleurs, bien peu de festivals ont cette chance d’accueillir le réalisateur du film, le créateur de la musique du film et l’actrice principale du film. Merci cher Belkacem Hadjadj de nous avoir permis de rencontrer Hilda Amira Douaouda qui n’a laissé personne indifférent tant au Festival de Cannes qu’à Saïda. On n’est pas peu fiers d’avoir eu la chance d’accueillir la future nouvelle star du cinéma algérien et mondial. Oui, oui, du cinéma mondial ! Car lorsque je vois, à la fin de la projection, Rachid Bouchareb silencieux et profondément concentré, comme habité. je me dis : « Là, mon vieux, il doit se passer quelque chose. Cet homme est entrain de créer un rôle pour cette extraordinaire actrice ». Je n’ai pas cessé de penser à Romy Schneider en regardant Hilda Amira Douaouda. Elle a cette fragilité apparente qui cache une force extraordinaire, elle a ce regard tendre et ce sourire timide qui lui donnent le charme suranné des actrices des années 60. Ah ! J’adorerais la voir donner la réplique à un Michel Piccoli ou à un Jean-Louis Trintignant. Elle est née trop tard…

Le volet littérature nous a réservé de bonnes surprises et nous a permis de faire la connaissance d’écrivaines algériennes nouvelles ou confirmées et des deux géants de la littérature algérienne, Wassiny Laredj et Yasmina Khadra. Qu’ils écrivent en Arabe ou en Français, ils et elles ont su éveiller la curiosité du public qui a voulu en savoir d’avantage en achetant leurs livres. J’espère que la curiosité était partagée car les auteurs.es (je n’arrive toujours pas à dire autrices et je ne le dirais pas) devraient toujours saisir ces occasions uniques pour se rapprocher d’un lectorat difficile qui n’arrive pas à se détacher des écrans.

Pour en revenir au cinéma, le « FeLiCi Femme » consacre la moitié de sa programmation officielle aux courts-métrages et le prix officiel est destiné non pas aux films longs-métrages projetés mais aux films courts. Cela est assumé et cela s’appelle la promotion du Cinéma, la promotion des jeunes réalisateurs et réalisatrices et la promotion des jeunes comédiens et comédiennes, tout simplement.


Le « Kholkhal d’Or » est allé au film « La fille de mon quartier » de Amar Si Fodil et le prix d’interprétation est allé à la jeune comédienne Yousra Benouis pour le film « Once Uppon A Time » de Ahmed Reggad.
On aurait été heureux de voir le festival de Saïda décerner un prix du meilleur livre intitulé le « FeLiCi Femme Littéraire 2023 » mais n’ayons pas les yeux plus gros que le ventre, cela aurait demandé un financement supplémentaire, une organisation supplémentaire avec un jury littéraire et tout ce qui s’ensuit. C’est une idée qui devrait être discutée

J’aurais quelques suggestions à faire aux organisateurs pour la prochaine édition 2024. Premièrement, le Festival doit investir la ville, toute la ville. Cela doit être une fête. Le public doit ressentir cette joie de sortir, de faire des rencontres, de danser, de rire et de chanter. Le Festival est une occasion en or pour offrir à la population l’occasion de faire la fête et cela sera profitable pour le Festival. Défilé, musique, fanfare, expositions, conférences, troupes folkloriques, rencontres avec les artistes. Il y a une foule d’activités à développer.
Les cinéastes et les comédiens et comédiennes qui viennent à Saïda ne voient de Saïda que l’hôtel, le restaurant, le cinéma, l’hôtel, le restaurant, le cinéma… et ainsi de suite. Ils restent dans leur bulle et n’ont aucun contact chaleureux avec les gens de la ville. Certes, ils goûtent à l’hospitalité saïdéenne légendaire et ils ne sont pas près de l’oublier. Mais la population ne fête pas cet évènement avec eux ! La population ne célèbre pas ce qu’elle considère, jusqu’à présent, comme un évènement qui ne la concerne pas ou très très peu. Il faut absolument réconcilier la population avec le festival pour qu’on puisse passer à une autre étape, celle d’un festival international.
Toutefois, le passage à « l’international » exige quelques ajustements et non des moindres car qui dit festival international dit invités, dit visiteurs étrangers, tourisme, gastronomie, artisanat, hôtels, commerces, accueil, sourires, civisme, propreté, hygiène, rues propres et chaussée en bon état, façades avenantes, cinémas modernes, musée, circuits touristiques, nature préservée et biodiversité protégée et pour finir qui dit festival international dit sécurité totale des personnes et des biens.
Tout cela est facilement réalisable à la seule condition que la population « adopte » ce festival et qu’elle sente que le festival est, non seulement, une source de renouveau artistique et culturel pour Saïda mais aussi une source de joie pour elle.
Tous les festivals de par le monde ne rencontrent pas le succès escompté, loin de là. Il y en a qui végètent et finissent par s’éteindre faute d’accompagnement populaire même si la qualité intrinsèque est présente indéniablement. Vous avez compris, le secret de la réussite réside dans l’adoption du festival par la population ou, pour être moins gourmand, par la majorité de la population. Et pour que la population adopte un festival, qu’elle le célèbre et qu’elle en soit fière, il faut que cette population soit heureuse. Donnez de la joie aux gens, donnez-leur l’occasion de vivre quelques instants de bonheur, et ils vous aideront à donner une autre dimension au festival. La population a besoin de joie.

