« A » comme Amour. « Â » comme Âme

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Ni l’un ni l’autre ne se trouvent de ce côté-ci de la terre. Les « A » sont partis en voyage. Sans doute pour aider à fabriquer des ailes d’anges. Ah ! Dans le mot « ange » il y a aussi un joli « A ». Généreusement, les anges ont sacrifié leur « A » pour aider à fabriquer de quoi peupler le ciel. Le mot « ange » a changé pour « enfant ». Mais ! Dans le mot « enfant » il y a aussi un « A »! J’utiliserai un autre synonyme pour le désigner : « Innocent » au lieu d’ « enfant ».

Voici donc mon texte, que je dépouille du « A » que peuvent contenir les mots. J’offre mes « A ». Les innocents ont en besoin pour voler vers le ciel.

Depuis des jours, des innocents vivent en enfer. Depuis des nuits, le sommeil fuit les esprits. Le répit s’exile de cette terre bénie.

Un texte écrit en 2021, sommeil. Il est venu le moment de son douloureux réveil. Il décrit une histoire vécue en 1187 par une femme. Les coups du sort d’hier, sont ceux d’octobre 2023. Comme un récit qui se répète infiniment. Jugez-en :

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Photo libre de droits fournie par Malika Chitour Daoudi

« Nous sommes le 3 octobre 1187. Mourir n’est plus prévu. Nous œuvrons pour survivre. Nous quittons notre ville sous siège depuis treize longs crépuscules, pour Tyr. Plusieurs jours d’épreuves douloureuses pour ce projet fou. Croire en une bonne étoile, c’est ce qu’il nous reste en dépit des conditions. Nous cheminons entre les morts. Nos pieds sont embourbés. C’est une boue mêlée du rouge des guerriers de tous bords. Les nôtres et les leurs. Eux nos ennemis jurés…c’est eux qui nous offrent nos vies, notre liberté. Le prix de cette liberté prend le goût du fer en bouche… plus cher encore que l’or !

Je suis une jeune religieuse. Je me prénomme Thérèse, de l’église du st Sépulcre. Pour l’heure je ne suis plus qu’une guide pour huit orphelins, qui me prennent pour une mère qu’ils ont depuis longtemps perdue. Le silence qui nous entoure étouffe tel le vent du sud. Même les petits sont devenus mutiques et leurs sourires ne sont plus que des souvenirs. Les voir se développer loin des guerres est mon seul mobile, mon unique volonté. Comment éliminer terreur et horreur de leurs mémoires ? Sont-ils obligés de vivre tout ceci si longtemps ? Vont-ils subir le supplice du souvenir qui viole leurs mémoires ?

Je découpe l’immense tissu qui me sert de coiffe. Je m’en sers pour le mettre sur le nez des petits. Pour leur éviter de rendre ce qu’un ventre vide ne peut donner. Mon chemin de croix est de ternir toute réminiscence de ce conflit, l’éliminer je ne puis. Mes petits ont perdus leurs innocence, ils doivent oublier les gueules défigurées, les corps démembrés, l’odeur de morts que les hostilités nous imposent. Moi, je choisi d’oublier que cette robe que je porte, si propre hier, est devenue rouge du souvenir de cette guerre insensée.

Je choisis pour l’heure de m’envoler. Mon instinct de survie prend le dessus et me l’ordonne. Pour oublier disette et détresse, troubles et folies, je mue. Je suis loin des hommes, des femmes et de mes petits qui forment cette funeste procession, loin des treize jours de lutte pour survivre… Tout ceci, pour une seule chose, imposer une religion et une volonté, celle du sire du moment. Je leurs cède tout. Je ne suis plus une personne. Mon esprit libre et léger s’envole loin, très loin. Je suis une colombe qui survole des étendues d’oliviers. Je suis légère comme le vent qui souffle sur les mers. Je suis le doux effleurement du soleil sur de tendres fleurs couchées sur tout ce qui est verdure. Je suis tout, tout hormis cette personne, que froid et misère engourdissent. Comment tolérer cette douleur et cette destruction ? Je ne puis. Celui qui est pur ne peut y consentir.

Je rêve encore, juste un court moment. Je rêve que cette femme dont le souffle est devenu précieux, reprenne des forces et croit en un jour meilleur pour les petits innocents qui sont devenus les siens. Que le souffle du Divin nous montre le chemin. »

©2021-2023 Malika Chitour Daoudi. Publié avec l’aimable autorisation de l’auteure.

Le mot du rédacteur

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Sur notre demande Malika Chitour Daoudi a répondu à notre invitation à participer à l’initiative « Writers & Artists for Palestine » de CHENEYEN Magazine par ce magnifique texte intitulé « Foi ». L’écrivaine auteure de deux romans, « La Kafrado, Un nouveau départ » et sa suite « La Kafrado, Sangs mêlés Terre mosaïque » parue en octobre 2023, a partagé avec nous un témoignage émouvant de la résilience humaine face à la tragédie. Imprégné de symbolisme et porteur d’un message d’amour, d’innocence préservée, et d’espoir malgré les épreuves, ce texte exprime plus que jamais la résilience des opprimés et la combativité extraordinaire du peuple Palestinien martyrisé par la barbarie de l’occupant sioniste. Hassen Ksantini, Cheneyen Magazine.

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Qui est Malika Chitour ?

Malika Chitour est une écrivaine algérienne dont le parcours littéraire a été marqué par une passion précoce pour l’écriture et une profonde affinité avec la culture et l’histoire de l’Algérie. Elle puise son inspiration dans son profond attachement à l’Algérie, son histoire et sa culture. Ses ouvrages explorent des thèmes profonds, tels que la résilience, la liberté et la dignité face à l’oppression.
Ces deux romans bien accueillis par la critique sont « La Kafrado, Un nouveau départ » et sa suite « La Kafrado, Sangs mêlés Terre mosaïque » parue en octobre 2023.

(Extrait en avant-première du N° d’explorations Culturelles qui lui est consacré par Cheneyen Magazine, en préparation)

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